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TIJA n°4
poéZie 1999
  Je viens de passer
une année effrayante:

louis ucciani
 


L'expérience ultime est toujours de là,
circonstance éternelle et catastrophe. Le hasard comme cette expérience ultime serait aussi de là. On y voit que la puissance représentative de la langue cède devant cette forme du réel qu'est précisément le hasard. Alors le hasard là où, plus tard, Artaud mettra cruauté. Le hasard c'est le réel que rien, pas même un accès de réalité, ne saurait abolir. Comme en écho, dans l'écriture métriquée ces vers : «une dentelle s'abolit/dans le doute du jeu suprême.» Ce qui peut advenir aux choses, l'abolissement, sous le coup de dé du jeu, ne le peut à ce qui fonde choses et jeux. Lisière que cette dentelle qui dessine la frontière du jeu éternel de l'amour, mais qui insinue ce qui le cerne à son tour : doute. Il y aurait quelque chose de cet ordre : doute ça a trait au hasard. Comment? Précisément dans l'ébranlement des certitudes : celle du coup de dés, mais aussi celles de la pensée. N'oublions pas ce qui clôt le poème, aphorisme rappel de cette base de toute pensée, de toute velléité représentative : «toute Pensée émet un coup de dés.» Jamais un coup de dé n'abolira le hasard. Jamais une pensée n'abolira le hasard, jamais une pensée n'abolira le doute.
La langue qui s'insinue délivre son fondement, elle est
contre, contre toute certitude, cette certitude que précisément la métrique assène. La langue — ces mots destinés à Verlaine —, rencontre laboratoire expérimental, restitution du hasard contre le hasard. Le coup de dés ce n'est pas la poésie : «le hasard n'entame pas un vers, c'est la grande chose.» Le maître est là, peut-être précisément, celui-ci personnage du poème, qui, semble-t-il, est hors hasard, «l'unique Nombre qui ne peut pas être un autre», pourtant, chose de hasard : «hésite». Hésite comme hésite la langue poétique avant de se trouver et d'imposer sa maîtrise. Toujours à Verlaine ceci : «ce à quoi nous devons viser surtout est que, dans le poème, les mots — qui déjà sont chez eux pour ne plus recevoir d'impressions du dehors — se reflètent les uns sur les autres jusqu'à paraître ne plus avoir leur couleur propre, mais n'être que les transitions d'une gamme.»12 Nous sommes en 1866, Mallarmé débute une correspondance avec Verlaine, il habite et travaille à Besançon.


extrait, paru dans le n°3 de tija.

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tija@free.fr  |  directeur de publication = anne-james chaton  |  graphisme = vincent menu = www.lateliergraphique.com
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